Poésie

1 à 2 par jour en France

Champ - image libre dreamstime

Et sur cette terre nue ou plus rien ne pousse
Avancent en silence deux ombres du présent.
Des ambitions contraires portées à la rescousse
De l'autre dans sa peine, son manque accablant.

Le premier est financier, le second paysan,
L'éphémère veut s'ancrer, devenir propriétaire
L'indigène céderait sa terre contre de l'argent
Seul moyen de sortir un jour de la misère.

Usé, il ne sait plus, il voudrait disparaître,
Son âme refuse de vendre les champs de ses ancêtres
Dans un sursaut moral, il renvoie le croque-mort.

Comme tant d'autres, au matin, il écrit "À bientôt!"
Sur un carton qu'il pend à la porte du dehors
Avant de rejoindre ses collègues là-haut.

Métronome

Metronome - crédit: Massimo Merlini

Tic, tac, joie, tristesse, bonheur, horreur, espoir, colère, envie, peur, sommeil, panique, sans fin.
Tic, tac, avenir, lutte, ensemble, apprendre, soutien, créer, vivre, amour, sourire, sensualité.
Tic, tac, guerre, meurtre, destruction, pollution, esclave, viol, famine, prison, Peste.
Tic, tac, toujours le son du métronome,
Tic, tac, on te propose ou on te somme,
Tic, tac, des angoisses et des envies,
Tic, tac, quel futur et à quel prix?

Gris

Gris

Des murs, des murs, du matin au soir
Du gris, du gris, criant désespoir
Éclat d'une journée ternie par la nuit,
Ternie de silence, ternie par le gris.

Les murs ne parlent pas

Et à l'écho, encore, de ma propre voix
Je me perds dans le vide, presque dans mes pas
Sur un chemin de pensées qui ne parle qu'à moi.

Du gris béton, du gris sans vie
Sans rire, sans son, voleur d'énergie
Au sol, au ciel, sur toutes les façades,
L'omniprésence crue de cette couleur fade.

Traînée d'étoiles

Le Mormont attaqué par Holcim

Comme une traînée d’étoiles glissant dans la nuit,
Traversant le voile et filant sans bruit,
Comme une traînée de roues qui passe et puis s’enfuit,
Dont je vois l’image floue sous le ciel qui luit,

Comme une traînée de terre parsemant le chemin
Et qui annonce, j’espère, au béton son déclin,
Comme une traînée de poudre qui n’est pas anodine,
Pour qui voudrait en découdre, là-haut sur la colline.

Lien

Soleil couchant

Aimer les gens, aimer les choses,
Comme toute vie, comme toute prose,
Comme tout matin, comme tout chagrin,
Comme toute joie, comme tout refrain.

Aimer encore, aimer toujours,
Aimer si fort, oui aimer pour
Que Bonheur vienne, que Bonheur soit,
Dans l’avenir, encore une fois.

Si aimer tue, si aimer brise,
S’il laisse nue notre âme grise,
Amour était, Amour sera,
Lien de notre monde ou au-delà.

Passerelle

Dans le vent, dans les flots, dans le temps, à l'eau?

Et la passerelle en équilibre: "Quoi qu'il en incombe,
Je tremble, je vibre, mais jamais ne tombe."
Nuages de fin du jour, rougeoyant d'ardeur,
Votre force de tambour résonne dans mon cœur.

Si en cette saison la vie reprend ses droits,
Et si, à l'horizon, se dessine maladroit
Le rêve peut-être risible qu'Avenir soit Amour,
C'est qu'au champ des possibles, où vieillissent les toujours,
Pousse la graine précaire de l'instant: celui en lequel je vis, je vais, je vent?

Sept heures moins vingt

Feu matinal

Il est sept heures moins vingt. Ou bien six heures quarante,
C’est une heure sanglante ou les rêves prennent fin.
Si Morphée fut tendre pour que ma bouche bée,
Le réveil fut tranché, le beau réduit en cendres.

Des fins fonds de ma nuit et de mon oreiller,
Oh Sommeil adoré, évasion de ma vie,
Qu’incessamment saisis d’une autre réalité,
Je puisse toujours rester allongé sur ce lit.

Mais non, parbleu, ça sonne ! Et qui m’appellerait,
Un instant ou jamais je n’use mon téléphone ?
Je ne puis m’empêcher de redouter Malheur.

Les minutes qui suivent me voient bien rassuré,
Nul besoin de stresser lorsque le jour arrive.
Et moi, dans quelques heures…
Je m’enfuirai.

Reprenons

Coucher de soleil Brighton

L'absence coule des gouttes
De sang sur du papier
Lorsqu'au delà des doutes
Frappe l'envie d'aimer.

Tels les miroirs de mon âme
Brisés en mille larmes
Au souvenir d'une femme,
Gardienne de fort; mon arme.

Toi qui chaque saison
Te décline de couleur,
Même loin de la maison,

Tu bats le rythme, mon cœur.
À ta voix je vibre, je tremble,
Reprenons la route ensemble.

Aimer

Choix risqué

R. Comme risqué, comme risible, comme ravagé. R qui roule et qui respire, qui ronronne.
ER. En fin de verbe, infinitif, sans changer. Quand rien ne va varier, s’altérer ni s’améliorer.
MER. Avec vent, avec vagues, avec force. À la poupe, à la coque, à l’écorce. Qui secoue, sans relâche, qui abîme, qui rabâche. Mais qui fascine.
AMER. Qui dérange, qui démange. Un goût qui reste, qui s'installe et ne repars jamais.
AIMER. Parce qu’en un, parce qu’en tout, parce qu’Amour et parce que nous.

De toutes les nations et tous les horizons

L'oreille du voyageur - Nicolas Bouvier

sur Spilsche mir a titele in Yidish
(L'oreille du voyageur - Nicolas Bouvier p.96-98)

De toutes les nations et tous les horizons,
De Genève à Tokyo passant par Saigon,
S'il est un seul lien en ce monde lyrique
Il existe au travers d'une vive musique.

Si douce est la langue lorsque la plume est claire
Mais, langages humains, vous séparez la Terre!
Vous restez étrangers et, la tour de Babel,
Jamais ne pourra voir sa grâce dans le ciel.

Oh, piano enchanté, guitare solitaire,
Oh notes qui voltigent et passent les frontières,
En vous seules réside encore de l'espoir.

Et si je chante, et joue, et danse dans le noir,
Si nous sommes tous là autour d'un feu qui brille,
C'est qu'une mélodie, mes frères, nous unit.

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